Prestations de codéveloppement : quelques conseils préalables à l’achat

Prestations de codéveloppement : quelques conseils préalables à l’achat (épisode 1)

Après vous avoir partagé mon expérience sur l’achat de formation softskills, je vous propose cette fois-ci un article dédié au codéveloppement. Le terme codéveloppement est devenu un terme générique, qui revêt de nombreuses pratiques proposées par le marché de la formation et de l’accompagnement. L’article vise à identifier ce qu’est le codéveloppement tel qu’Adrien Payette est venu nous l’enseigner en France en 2004 et à partager quelques points de vigilances.

Préambule

Si je me permets de partager sur cette pratique aujourd’hui, c’est pour plusieurs raisons : la première est que j’exerce des fonctions de responsable des achats de prestations intellectuelles, et plus spécifiquement pédagogiques au sein de l’Université du groupe Crédit Agricole. La seconde est que je suis moi même formée à la facilitation. Je pratique le codéveloppement régulièrement avec des groupes.
Etre au cœur des achats et d’une pratique de la facilitation me permet aussi d’expérimenter les offres du marché.

Mon article est une invitation à nous questionner sur nos achats de formation et d’accompagnement. Je vais y partager des conseils d’acheteuse éclairée. En partageant cette expérience, j’espère contribuer à vous assurer la qualité de la prestation, de sa valeur ajoutée pour développer les compétences de vos équipes, et de vous assurer des conditions de mise en œuvre sécurisée. Deux autres articles suivront : l’un pour vous donner des clés visant à apprécier la qualité du déroulement d’une séance de co-developpement, l’autre pour apprécier les séances de Codev à distance soit avec des plateformes dédiées soit au moyen d’outil de réunion à distance.

Nos références sur la pratique du codéveloppement

C’est Adrien Payette qui a modélisé les principes de la facilitation de groupe de codéveloppement et les postures de facilitateur, essentielles également selon lui, dans son livre « Le Codéveloppement professionnel » co-écrit avec Claude Champagne. Nous nous appuyons sur cet écrit pour fonder les partis pris de notre article.

A notre connaissance en France, seule l’Ecole Cecodev, et ses deux fondateurs Anne Hoffner-Lesure et Dominique Delaunay, ont bénéficié de de cette formation directe auprès d’Adrien Payette. De 2004 à 2011, il les a formés à la facilitation, ainsi que Jean Beaujouan, alors cadre dirigeant du Groupe Crédit Agricole, qui souhaitait proposer ce dispositif de formation aux Dirigeants et Managers du Groupe. Adrien Payette les a tous trois accompagnés pour élaborer des programmes de formation spécifiques dédiés aux futurs facilitateurs. Ces programmes de formation sont toujours d’actualité enrichis de la pratique intense des deux fondateurs de CECODEV, puisqu’ils facilitent 100% de leur temps professionnel du codéveloppement. En bibliographie, nous faisons référence à leurs ouvrages qui reportent de leur pratique.

Dès le lancement du codeveloppement en France en 2002, le groupe Crédit Agricole, à la recherche de programmes de management innovants, était impliqué. Il a proposé ce dispositif à une communauté de directeurs, et a contribué à importer cette pratique en France. Le déploiement du codéveloppement est toujours d’actualité dans ce groupe bancaire.

Le modèle, conçu par son auteur québécois, est volontairement libre de droit en termes de propriété intellectuelle, aussi parce que la terminologie générique rend difficile d’en déposer une marque.

Rappel des objectifs du codéveloppement

« Le groupe de codéveloppement est une approche de formation qui mise sur le groupe et sur les interactions entre les participants pour favoriser l’atteinte de l’objectif fondamental : améliorer la pratique professionnelle des gestionnaires ». (« gestionnaire » est le terme québécois qui désignent en français les Managers). C’est par cette définition qu’Adrien Payette commence son livre.

Il poursuit « Le groupe constitue une communauté d’apprentissage qui partage les mêmes buts et qui s’entend sur la méthode : étude attentive d’une situation vécue par un participant, partage de « savoirs » pratiques, surtout et de connaissances théoriques au besoin. ».

Nous avions écrit un précédent article qui visait à nous inspirer de la forme du feedback tel que pratiqué dans les séances de Codev. Ainsi un des apports du Codéveloppement est la richesse réflexive de nos pairs, sur notre situation exposée en séance. Ce qui rejoint la notion de feedback.

Le codéveloppement c’est :

– De l’Action Learning, issue de la pédagogie anglo-saxonne, apprendre par l’action,
– Un apport décisif de l’approche systémique
– Une richesse de la pensée réflexive, qui ouvre ses schémas de pensées, croyances, rendre visible les champs invisibles d’une situation, apportés par le regard de l’autre.

Le codéveloppement, ce n’est pas :

– Un groupe d’étude qui a recours à la méthode des cas,
– Un groupe de tâches centré sur la résolution de problème.
– Un jeu inoffensif. Il nécessite donc une maitrise des risques, l’animateur est garant des dérives. Notamment les risques psycho-sociaux.

Le travail de groupe est la base du codéveloppement ; les échanges entre les participants sont facilités afin que rétroactions et réflexions permettent au groupe de cheminer sur un projet, problème ou préoccupation. Il vise la réflexivité entre les personnes, un axe pédagogique clé pour développer ses compétences.

Le Codev est une démarche qui vient du Canada, pays habitué à développer un travail en groupe et aux organisations plus horizontales, courantes dans les pays anglo-saxons. Ce qui est naturel pour la culture anglo-saxonne, l’est un peu moins en France, plus habituée à une culture hierarchique.

Cet article est une proposition pour :

– challenger le prestataire et/ou facilitateur
– pour permettre au facilitateur de s’adapter aux exigences de la discipline du Codev
– pour les participants à venir éclairés sur ce qu’ils peuvent attendre de ce dispositif de formation.

Ainsi, cet article est une proposition pour vous assurer que vous achetez, ou que vous vendez pour le facilitateur, une prestation de codéveloppement telle qu’Adrien Payette en a posé les fondements, une qualité de service que méritent apprenants, commanditaire et facilitateur. Il permet également à ce prestataire d’améliorer la qualité de son offre si son objectif est de proposer cette prestation à ses clients. Et pour les participants à s’assurer qu’ils sont dans les conditions de sécurité requises pour apprendre dans le cadre fructueux du codéveloppement.

Quelles questions poser au préalable ?

En préambule vos questions à adresser votre prestataire, facilitateur, sont les suivantes :

– Comment le facilitateur s’est-il formé ?
– Est-ce bien le Codéveloppement conçu par A. Payette ou autre chose ?
– Comment améliore-t-il sa pratique ? car nous sommes dans une démarche apprenante.
– Comment accompagne-t-il le groupe dans ses apprentissages ?

Vous trouverez ci-dessous quelques verbatims entendus commentés de nos recommandations.

« le Codev est simple à décliner, il suffit de dérouler le protocole. Quand on est coach, pas la peine de se former au codéveloppement » (un coach)

Notre parti-pris : aucun protocole d’intelligence collective ou de coaching n’est simple. Le protocole du Codev nécessite une formation spécifique. Or il ne s’agit pas de dérouler une suite d’étapes, le jeu est bien plus subtil.  Les postures de coach et de facilitateur ne relèvent pas du même champ de compétences. Jouer sur chacune d’entre elles est un enjeu pour un accompagnement singulier.

– Nous invitons le Commanditaire Acheteur à s’adosser à un facilitateur formé, voire accrédité auprès d’un organisme de formation expert de cette méthodologie.
– Une forme de supervision nous semble également pertinente de requérir auprès du facilitateur, même si cette démarche ne s’inscrit pas dans les us et coutume. Le codéveloppement s’inscrit dans une démarche d’apprendre, la supervision ou intervision permet cette dynamique apprenante.

« Nous étions quatorze personnes, trois niveaux hiérarchiques différents, certains en lien direct, d’autres indirect » ; et le témoin qui nous livre : « Il y a eu des conflits, règlements de compte, entre les participants » (un participant)

Voilà un des dangers de la séance non maitrisée par le facilitateur, voire auteur de ce dysfonctionnement. Le codéveloppement ne peut pas se pratiquer à moins de quatre participants et pas au-delà de huit. Le groupe doit être en nombre suffisant, et en même temps rester un petit groupe pour bénéficier de l’hétérogénéité des expériences, et regards divergents.

L’expérience des facilitateurs est clé pour conduire, diriger le groupe, en prendre soin, faire appliquer les règles et émerger l’intelligence du groupe dans sa pratique. Par exemple, la règle de bienveillance doit être incarnée, le facilitateur doit être en capacité de recadrer si la ligne rouge est franchie. Tout comme pour la confidentialité, ou le « parler vrai », la troisième règle. Il est garant du cadre du codéveloppement et de ses règles.

Il s’agira de questionner la pratique du facilitateur, quels sont ses retours d’expérience des groupes, ses évaluations. Ce qu’il en retire dans sa pratique ?

Une autre proposition qui n’est pas adéquate : le facilitateur vous propose des séances courtes de 1 heures 30 (… voire 45 minutes). Cette pratique raccourcie peut faire sens. Pour autant il nous semble approprié de poser une vigilance :

Nous appelons ces séances « Regards croisés », « Coups de pouce », « ateliers coopératifs » ou éventuellement « Flash Codev » pour les distinguer de la véritable pratique de Codéveloppement qui dure 3 heures 30. Ce format peut être proposé pour travailler sur des sujets opérationnels. Il est à éviter pour des sujets de management, en particulier s’ils sont délicats ou complexes. La séance inférieure à 1 heure 30 n’a pas d’intérêt, elle est même dangereuse car souvent un train peut en cacher un autre. Deux heures est un minimum. Une version trop courte, fait courir le groupe après le temps, les participants n’ont pas le temps de prendre du recul, d’être acteur, de voir autrement, de débriefer ce qui s’est passé pour en tirer des apprentissages.

Quant au flash-codev ou séances courtes de 45 mn, les séances observées s’avèrent être de joyeux brainstorming dans lesquels il n’y a ni réflexion, ni prise de recul, ni compréhension du problème, ni apprentissage : on compte sur l’intuition et l’empilement d’idées.

Prestations de codéveloppement : quelques conseils préalables à l’achat

Quels sont les risques d’un Codev mal mené ?

Le risque est de nuire si la compétence de l’animateur est insuffisante, par exemple s’il se contente de dérouler le processus, sans tenir compte des liens du groupe, brûle une étape, n’accompagne pas le groupe, ne recadre pas sur certaines étapes, ou si l’on n’a pas vraiment compris la problématique, ou même si une emprise s’exerce sur le client.

Comment mieux apprécier la qualité d’une facilitation de codéveloppement ?

Demander à tester une facilitation de séance permet d’apprécier la qualité d’une facilitation de Codéveloppement. N’hésitez pas à la payer si besoin. Rassemblez un groupe de collègues, sans lien de subordination ou hiérarchique entre vous, avec des grilles de référence partagées, testez ensemble et avec le facilitateur, qui bien formé, reportera de sa pratique.

Et si vous n’avez pas la possibilité de tester une séance, demandez au facilitateur de vous soumettre un exemple de compte rendu de séance tiré de sa pratique, anonymisé bien sûr !

Que restituer au commanditaire, acheteur et payeur du dispositif ?

Le facilitateur se mettra d’accord avec le groupe pour proposer de partager des apprentissages sur leur pratiquesans dévoiler le secret des séances.

Cela se cale dans les règles avec le commanditaire et le groupe, en définissant des indicateurs, validés par le facilitateur garant du cadre du coaching.

En conclusion

Cet article interroge sur la proposition du codéveloppement faite par un prestataire, et peut vous guider pour acheter une méthodologie conforme à la pratique posée par son auteur. Nous rappelons que votre risque, à acheter une prestation qui ne serait pas du Codev, est que vous n’atteigniez pas les objectifs visés, voire que vous puissiez contribuer en tant que commanditaire à mettre en risque vos apprenants, risque pouvant aller jusqu’aux risques psycho-sociaux, risques d’emprise, de dévalorisation, ou de problème aggravé, ….

Notre seul objectif : rester dans l’état d’esprit du dispositif tel que créé par son auteur, et vous éclairer pour acheter une qualité de services de codéveloppement que votre organisation mérite.

Le prochain épisode traitera d’une séance de Codev, dans le but de vous permettre d’en apprécier sa qualité étape par étape.

Isabelle Holie, Responsable des Achats Pédagogiques

Bibliographie et réferences

Cette étude s’appuie sur :

– Trois références canadiennes et françaises, et :

  • Le groupe de codéveloppement professionnel – Auteur Adrien Payette et Claude Champagne Editions Presse de l’Université du Québec
  • Le Codéveloppement professionnel et managérial Tome 1 – L’approche qui rend acteur, et développe l’intelligence collective
  • Le Codéveloppement professionnel et managérial Tome 2 – Animation compétente, subtilités de la pratique montée en puissance.

– L’association Afcodev, qui vise à promouvoir le codéveloppement en France depuis son arrivée en France

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