Et si la formation était source de bien-être ? Le phénomène du flow
Avez-vous déjà été tellement absorbé(e) par une activité que vous avez eu l’impression que le temps s’était arrêté ? Avez-vous déjà été si concentré(e) que vous en avez oublié tous vos problèmes ? Avez-vous déjà eu l’impression que tout était facile, que tout était sous contrôle ? Avez-vous déjà été dans un état tel de plénitude que vous fusionniez avec votre activité ? Si vous avez répondu oui à ces questions, vous avez expérimenté l’état de flow.
Le flow est une expérience de bien-être optimal
Le flow est une expérience de bien-être optimal que l’on vit uniquement pour elle-même, c’est-à-dire sans autre but que sa réalisation et le plaisir qui en découle (c’est la définition d’une expérience autotélique). Le flow correspond à l’émotion ressentie lorsqu’un sentiment d’épanouissement, de fluidité mentale, de concentration totale et de contrôle complet anime une personne. Il se caractérise également par une telle impression de proximité de l’objectif que l’on est persuadé de l’atteindre. Cette proximité favorise l’engagement et encourage à continuer dans l’activité.
L’étude du flow a commencé dans les années 70. Les premières études concernaient les sportifs et leurs émotions lors des compétitions qui scellaient la réussite de leurs objectifs. Les personnes qui réalisent une activité sportive pour le plaisir qu’elle leur procure ont beaucoup de chances d’expérimenter souvent le flow. A l’inverse, celles qui font du sport à cause des injonctions de la société ont peu de chances de l’expérimenter, sauf si leur motivation pour faire du sport change pour être plus intrinsèque. L’enseignement et les arts représentent également des domaines où expérimenter le flow est fréquent.
Le concept a été théorisé par Csikszentmihalyi, un psychologue hongrois très influent et un des deux fondateurs du courant de la psychologie positive. Le premier modèle date de 1975 et le dernier de 1990.
La figure 1 est la modélisation du flow de Heutte (2020) adaptée du modèle de Csikszentmihalyi (1990).
Il est constitué de deux axes : le défi et les compétences. Il est possible d’expérimenter le flow lorsque le défi et les compétences sont au maximum. C’est un équilibre entre le niveau d’exigence d’une tâche et les compétences d’une personne dans la réalisation de quelque chose de difficile et important. Si les compétences d’une personne sont hautes mais que le défi est peu exigeant, elle sera relaxée. A l’inverse, si le défi est très exigeant et dépasse des faibles compétences dans un domaine, elle sera anxieuse.
Pourquoi l’état de flow nous absorbe et modifie notre perception du temps ?
Un défi exigeant nécessite la mobilisation de toutes nos compétences. Pour cela, focaliser toutes ses ressources attentionnelles sur l’activité est indispensable. Ce tunnel attentionnel fait abstraction de toutes les distractions de notre environnement et modifie notre perception du temps : c’est l’absorption. Le temps de la réalisation de l’activité, l’environnement et le temps passent au second plan. C’est la réalisation de l’activité et la proximité du but qui priment.
Pourquoi s’intéresse-t-on au flow dans la formation ?
De nos jours, un des plus grands défis de la formation est de mettre en place des modalités pédagogiques qui intéressent suffisamment les apprenants pour pérenniser leurs efforts dans leurs parcours de formation. Le but est d’amener l’apprenant à s’auto-former et à apprécier ses formations. Plus l’intention de formation vient de l’apprenant lui-même et pas de contraintes extérieures, plus elle est pérenne. Or, favoriser directement la motivation chez l’apprenant est impossible. Alors, des variables motivationnelles entrent en jeu et impactent positivement ou négativement la motivation. Le flow est une de ces variables motivationnelles qui impacte positivement la motivation.
Une étude récente (Heutte, 2020) fait un état des lieux des travaux réalisés sur le flow. Il en ressort que c’est un déterminant majeur de la persistance du comportement et ce particulièrement lorsqu’il a déjà été vécu dans l’activité. Cela veut dire qu’expérimenter le flow dans une activité augmente les chances d’expérimenter le flow dans des activités futures.
Le flow a de multiples effets et participe à rendre les formations plus agréables et plus riches. Cette expérience s’accompagne de meilleures performances, d’un bond de créativité, de développement des capacités, d’estime de soi et de réduction du stress.
Le flow, par la perception de contrôle de l’activité qu’il procure, répond également au besoin de compétence : c’est le sentiment de maîtrise et d’efficacité. Le besoin de compétence est un besoin psychologique universel qui satisfait la motivation intrinsèque, celle qui permet d’effectuer des tâches par intérêt et sans pression extérieure. C’est le type de motivation le plus puissant.
Comment favoriser le flow en formation ?
Il existe plusieurs moyens de favoriser le flow en formation :
– Fixer des objectifs clairs : c’est lorsque l’on sait où nous allons que nous pouvons nous lancer.
– Adapter les objectifs au niveau des apprenants : connaître ses apprenants permet de leur proposer des défis à la hauteur de leurs compétences, de ne pas leur faire vivre d’anxiété si le défi est trop important ni d’ennui si le défi est trop facile
– Bénéficier de rétroactions, de feedbacks clairs et précis : le feedback permet de savoir si l’on se dirige dans la bonne direction et de ne pas interrompre l’état de flow. En effet, si une difficulté apparait trop grande pour la personne et qu’elle ne bénéficie pas d’une aide pour lever ce blocage, l’état de flow est interrompu.
– Gamifier la formation : c’est y ajouter des éléments et mécaniques de jeu pour la rendre plus engageante et motivante. L’escape game pédagogique en est une illustration.
Le flow est un levier intéressant qui relie le fonctionnement cognitif et les « circuits du plaisir » (Changeux, 1994). Cette connexion associe alors un effort cognitif contrôlé avec un sentiment d’épanouissement, de développement optimal. C’est une expérience autotélique qui, appliquée à la formation a pour vocation de créer chez les apprenants l’envie de retourner en formation.
Camille Besson, alternante chargée de projets Expérience Apprenant.
Bibliographie
Changeux, J.-P. (1994) Raison et plaisir. Odile Jacob.
Csikszentmihalyi, M. & Bouffard, L. (2017). Le point sur le flow. Revue québécoise de psychologie, 38(1), 65-81. https://doi.org/10.7202/1040070ar
Heutte, J. (2020). Psychologie positive et formation des adultes : le flow ou le plaisir de comprendre tout au long de la vie. Savoirs, 3(54), 17-61.
Pour aller plus loin :
Le FLOW : l’expérience optimale ou autotélique (Csikszentmihalyi, 1990, 2004, 2005) – Bloc notes de Jean Heutte : sérendipité, phronèsis et ataraxie sont les trois mamelles qui nourrissent l’Épicurien de la connaissance 😉 (free.fr)