Comment concevoir des slides qui favorisent la mémorisation ?

Comment concevoir des slides qui favorisent la mémorisation ?

Comment faciliter la mémorisation d’informations diffusées via un diaporama en formation ? Vous est-il déjà arrivé, en tant qu’apprenant d’avoir le sentiment que les slides projetées étaient trop remplies, ou en tant que formateur d’avoir l’impression que votre groupe ne vous écoutait pas ?

On trouve un florilège de règles, de trucs et astuces pour mieux concevoir des diaporamas, les rendre « séduisants » ou au contraire les « éviter » avant qu’ils ne nous « épuisent » en formation. La communication en formation est essentielle pour partager des consignes ou du contenu et permettre aux apprenants de construire leurs connaissances. C’est pourquoi notre parti pris est d’optimiser l’usage du diaporama en appui du formateur et au service d’une expérience apprenant utile, engageante et remarquable. Il s’agit donc de faciliter l’apprentissage, de viser une sobriété et une pertinence pédagogique qui permettent de ne pas surcharger cognitivement celle ou celui qui s’engage en formation.

L’apprentissage est à la fois propre à chacun et lié à l’environnement

La compréhension d’une personne se construit à partir d’éléments qui lui sont propres : son système de pensée et d’appropriation, son histoire, ses connaissances et expériences passées, ses caractéristiques cognitives, et d’éléments propres à son environnement de formation par exemple ce que dit et projette le formateur, etc.

Kriz & Hegarty (2007) montrent ainsi que les connaissances préalables interviennent dès le début de la formation dans l’organisation des informations par le participant. Cependant, il existe des conditions qui sont plus ou moins favorables à l’attention et à la mémorisation, comme la perception et l’appropriation de contenus projetés.

Avant de découvrir les cas de 4 participants à une formation – Alexis, Marine, Katia et Paul –  nous vous proposons de reprendre quelques éléments clés sur l’attention et la mémoire, puis sur la notion de charge cognitive.

Quelques clés sur l’attention et la mémoire (source exposition : « Apprendre, le cerveau livre ses secrets » organisée par l’IFCAM)

Notre capacité attentionnelle est limitée. Notre attention agit comme un filtre pour l’accès des informations à notre mémoire de travail. Cette mémoire de travail est également limitée en termes d’informations qu’elle peut traiter simultanément et de durée de traitement, afin qu’elles soient ensuite encodées et stockées en mémoire à long terme.

L’attention nécessite d’être focalisée pour permettre l’accès des informations en mémoire de travail. Par exemple, le partage attentionnel qui est induit par les distractions, le surplus d’information, force le participant à se concentrer sur l’une ou l’autre des informations ou média au détriment de l’autre, et surtout de l’apprentissage.

Quelques clés sur la charge cognitive

La charge cognitive correspond au degré de sollicitation de la mémoire de travail par l’apprenant (Fontaine et al., 2020).

Cette charge correspond au coût pour notre cerveau du traitement des informations à analyser à un instant t. Elle dépend de différents facteurs : des informations (nombre et difficultés), de l’état interne dans lequel se trouve l’individu (fatigue, stress, motivation, …), et de l’environnement (bruit, température,…) et de ses sollicitations. Ainsi pour rester attentif dans l’apprentissage, cette charge cognitive doit rester à l’équilibre, nos ressources étant alors en adéquation avec les informations à traiter. (Extrait de l’exposition : « Apprendre, le cerveau livre ses secrets organisée par l’IFCAM, Pourquoi une expo sur le cerveau et l’apprentissage ? (ifcam-showroom.fr)).

La théorie de la charge cognitive étudie les interactions entre les processus de traitement de l’information et la structuration de cette information dans un document (Sweller, 1988). On distingue trois types de charge :

  • La charge intrinsèque est liée au niveau de complexité pour l’individu, au nombre d’éléments traités en simultané, au degré d’interactivité entre ces éléments, et au niveau de familiarité de la personne avec ces informations. En effet, les informations pour être intégrées nécessitent d’être organisées en mémoire long terme et supposent des connaissances antérieures. D’ailleurs, plus on a de connaissances sur un sujet et plus la charge liée à la tâche tend à se réduire.
  • La charge extrinsèque ou charge inutile, augmente avec par exemple, les éléments superflus, les distractions, le trop plein d’informations par rapport à la capacité de traitement auditif et visuel de la personne qui va gaspiller de la ressource en compensant les difficultés.
  • Enfin la charge essentielle ou pertinente correspond à ce que l’apprenant peut mobiliser cognitivement dans la situation pour apprendre (dont son réseau de connaissances préalables organisé en mémoire long terme). (Lafontaine et al., 2020).

Dans l’apprentissage multimédia, un diaporama mal conçu peut complexifier le propos de l’animateur et rajouter de la charge cognitive contribuant à nuire à l’apprentissage du participant (avec par exemple les éléments superflus).

L’apprentissage multimédia peut se révéler difficile lorsque l’intensité du traitement cognitif nécessaire excède la capacité cognitive du participant. Il est possible d’agir sur le format de présentation pour alléger la charge cognitive.

Richard Mayer, chercheur en psychologie cognitive appliquée à l’éducation a ainsi proposé certains principes de conception (2005, 2010) :

  • Cohérence,
  • Signalisation,
  • Contiguïté temporelle,

Alexis, Marine, Katia et Paul vivent chacun et chacune une situation de formation particulière que nous allons analyser.

Comment concevoir des slides qui favorisent la mémorisation ?
  • Problème posé par ce cas : densité informationnelle du slide qui reprend tout ce que l’animateur dit, « le slide pense-bête ».
  • Description de la situation : dès lors qu’un slide est trop chargé en informations, les participants se focalisent sur cette information écrite, et n’écoutent plus ce que dit l’animateur. Or, l’auditeur ne maitrise pas la vitesse du débit oral de l’animateur, alors que le lecteur est maître de son rythme. Cette situation contraint donc le participant à lire et synthétiser les informations de son côté, pendant que l’animateur lit à haute voix également l’information. Il y a ainsi désynchronisation des informations visuelles et auditives et donc surcharge.  Un autre phénomène se met en place, c’est celui de la redondance (duplication identique de ce que dit l’animateur et de ce qui est écrit) qui entraîne une baisse des performances d’apprentissage.
  • Préconisations pour la conception :
    • Synthétiser les informations essentielles. La présence d’informations inutiles demande au participant de fournir plus d’efforts pour sélectionner l’information pertinente à mémoriser. Selon le principe de cohérence de Mayer, il convient d’éliminer tout ce qui est superflu dans le diaporama (images décoratives, gif animés, infos hors sujet, détails de calculs, pour en savoir plus…).
    • Structurer le contenu. Une information structurée et hiérarchisée (titres, sous-titres, indentation, liste à puces) est mieux mémorisée. A chaque changement de partie, rappeler le sommaire et situer la partie qui va être abordée.
    • Utiliser la zone de commentaires pour les messages clés et les consignes d’animation, et épurer les slides
Comment concevoir des slides qui favorisent la mémorisation ?
  • Problème posé par ce cas : recherche visuelle difficile sur un schéma complexe (dispersion de l’attention).
  • Description de la situation : Marine va rechercher sur le tableau très rapidement ce qui est en train d’être évoqué par l’animatrice pour tenter de mettre en lien ce qu’elle entend et ce qu’elle voit. Ce partage attentionnel va entrainer l’utilisation des ressources au détriment de la mémorisation. Il suffit en effet de quelques secondes de décalage pour que ce qu’elle voit ne soit pas ce que l’animatrice est en train de dire, lorsque celle-ci est passée à la phrase suivante. Une désynchronisation de plus de quelques secondes entre le tableau et l’explication orale est suffisante pour engendrer une baisse des performances d’apprentissage.
  • Préconisations pour la conception : Guider l’attention du participant en l’aidant à cibler les informations pertinentes par leur mise en exergue (principe de signalisation), au moment où elles sont évoquées à l’oral (principe de contiguïté temporelle). Cela va faciliter la recherche visuelle à l’écran et favoriser le traitement simultané en mémoire des infos visuelles et de l’explication orale correspondante, et donc l’intégration mentale des sources d’information :
    • Principe de signalisation : mettre en valeur les informations pertinentes pour faciliter leur sélection par exemple, en présentant successivement les différents chiffres, en les faisant ressortir (couleur* , gras, etc.), au moment où elles sont évoquées, ce qui permet de faciliter la recherche visuelle à l’écran.
    • Principe de contiguïté temporelle : les participants apprennent mieux lorsque les mots et les images sont présentés simultanément. Cela favorise le traitement conjoint des sources visuelles et auditives.

*Attention aux couleurs non visibles

Comment concevoir des slides qui favorisent la mémorisation ?
  • Problème posé par ce cas : multitasking et effets délétères sur la mémorisation des informations présentées.
  • Description de la situation : le fait de pratiquer d’autres activités simultanément à l’exposé de l’animateur (mails, sms, aller sur internet…) fait concurrence aux processus cognitifs centraux nécessaires à un apprentissage de qualité (sélectionner l’information pertinente, l’organiser mentalement et l’intégrer en mémoire long terme avec les connaissances existantes).
  • Préconisations pour la conception : Prévoir les consignes d’animation visant à :
    • Informer les apprenants des effets délétères du multitasking,
    • Inviter à prendre des notes afin de maintenir la concentration et de faciliter la mémorisation.
Comment concevoir des slides qui favorisent la mémorisation ?
  • Problème posé par ce cas : illisibilité des contenus.
  • Description de la situation : les formats utilisés sur le support ne permettent pas de distinguer clairement l’information.
  • Préconisations pour la conception :
    • Travailler le format des informations et tester dans l’environnement afin de vérifier de l’utilisabilité du support (est-ce que le diaporama est lisible depuis le fond de la salle ? est-ce que tous les éléments du slide se distinguent facilement ? quel est le rendu de projection ? ). .
    • Opter toujours pour un contraste de luminance fort (noir du texte sur fond blanc ou inverse).
    • Certaines couleurs sont à éviter (rouge, bleu saturé), attention au vert également pour le daltonisme, choisir une taille et un format de police adaptés : police sans empâtement, pas d’italique ni de police script.
    • Les images de fond perturbent la lecture, un fond sobre est préférable.
    • Les images et les schémas sont utilisés pour illustrer ce qui est dit (enlever les images uniquement décoratives)

En résumé, un exposé appuyé par un support sous forme de diaporama :

  • combine plusieurs sources d’informations (commentaire oral de l’animateur, images, vidéos, texte…).
  • impose au participant le rythme de présentation de l’information par l’animateur,
  • est dépendant des facteurs propres à la projection (support, matériel de projection, taille et luminosité de la salle).

La gestion cognitive d’un document multimédia (comme le diaporama) comprend ces 3 actions :

  1. Ecouter les phrases, sélectionner les infos orales importantes
  2. Rechercher visuellement la phrase évoquée à l’oral et sa lecture
  3. Mettre en relation les éléments pour établir des liens.

Percevoir, traiter, puis intégrer les informations représente une charge attentionnelle et cognitive importante. Les phénomènes de charge cognitive et de partage d’attention sont donc à intégrer dès la conception (Jamet, 2008, 2016).

La réduction de la charge cognitive passe ainsi par :

  • une facilitation des processus cognitifs centraux (faciliter la sélection des informations grâce à la lisibilité, la congruence entre ce qui est dit et ce qui est projeté, cf. supra),
  • une réduction des traitements incidents (supprimer les éléments superflus)
  • et un nombre limité d’éléments présentés afin de faciliter leur mémorisation.

Enfin, les différents éléments d’aide à la conception évoqués ci-dessus sont nécessaires mais insuffisants, seule l’(auto)-évaluation régulière des acquis permet de s’assurer de la mémorisation des informations.

L’apprentissage ne correspond pas seulement à une rétention d’information par la mémorisation, il résulte de la construction de ses connaissances par celle ou celui qui apprend. Les modalités pédagogiques participatives et collectives permettent ainsi de faciliter cette construction par l’apprenant.

C’est pourquoi l’IFCAM inclut ces principes et ces modalités dans la formation des formateurs et les applique dans son ingénierie.

Aurélia Porcheron, Conceptrice pédagogique

Kristelle Dumon, Ingénieure Formation

Dorothée Cavignaux-Bros, Docteure en sciences de l’éducation et de la formation et Ingénieure formation Expérience Apprenant.

Références :

Fontaine et al. (2020). Traduction, adaptation et évaluation psychométrique préliminaire d’une mesure d’engagement et d’une mesure de charge cognitive en contexte d’apprentissage numérique. Pédagogie Médicale, 20. 79-90.

IFCAM (2018). Apprendre, le cerveau livre ses secrets. https://ifcam-showroom.fr/exposition-apprendre-cerveau-livre-secrets/

Jamet, E. (2008). La compréhension des documents multimédias: de la cognition à la conception. Groupe de Boeck.

Jamet, E. (2016). Cycle de conférence organisé par la DANE de Versailles sur le thème « Des ressources numériques efficaces : ça existe ? ou comment optimiser des supports variés (textes, vidéos ou diaporamas par exemple) pour améliorer les apprentissages ? ». Conférence « Des ressources numériques efficaces : ça existe ? » – L’atelier du formateur (latelierduformateur.fr)

Jamet, E., & Le Bohec, O. (2007). The effect of redundant text in multimedia instruction. Contemporary Educational Psychology32(4), 588-598.

Kriz & Hegarty (2007). Kriz, S., & Hegarty, M. (2007). Mental models of mechanical systems: Top-down and bottom-up influences on learning from animations. International Journal of Human-Computer Studies, 65 (11). 911-930

Mayer, R. E. (éd.) (2005). The Cambridge Handbook of Multimedia Learning, Cambridge University Press, New York.

Mayer, R. E. (2010). Chapitre 8 Apprentissage et technologie. Comment apprend-on191.

Sweller, J. (1988). Cognitive load during problem solving: Effects on learning. Cognitive Science, 12, 257-285.

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