Making Thinking Visible

Making Thinking Visible : une approche au service de l’apprentissage

Afin de proposer une expérience de formation centrée apprenant, la connaissance fine des compétences et besoins individuels est essentielle. Mais comment avoir accès à la diversité des savoirs, savoir-faire et savoir-être, qui constituent la richesse des compétences d’un individu ? « Making Thinking Visible » (Rendre la pensée visible) : fenêtre ouverte sur la complexité, la diversité et le potentiel de l’expérience singulière.

Comprendre la pensée de l’autre

Lorsqu’il s’agit d’imaginer les professions de demain, la robotisation donne à prédire la disparition d’un certain nombre de métiers dont les tâches sont susceptibles d’être réalisées par des machines. Dans cette perspective, il paraît central d’orienter l’acquisition et le développement de compétences vers des qualités spécifiquement humaines : la collaboration, la coopération, la créativité…  Et sur ce point, un obstacle de taille persiste : comprendre la pensée de l’autre. N’avons-nous pas déjà tous participé à des réunions, des groupes de travail, où collaborer pouvait être complexe ? En cause, la difficulté de compréhension et d’expression de la pensée, de la nôtre et de celle des autres. Nous connaissons ces moments où l’on aimerait que nos collègues comprennent mieux et plus rapidement notre point de vue, où nous avons du mal à exprimer notre pensée et à nous faire comprendre. En formation, l’enjeu est d’autant plus complexe que le formateur fait face à une diversité d’apprenants, l’incitant à adapter son enseignement à la singularité des besoins, en présentiel comme à distance. Défi insurmontable ? Peut-être pas ! Explications.

Feedback et métacognition : deux fondamentaux de l’apprentissage

Lorsqu’un formateur teste les connaissances d’un apprenant, il sélectionne quelques questions supposées refléter l’ensemble des contenus mémorisés. Cependant, les évaluations ne donnent aucune information en dehors de ce qu’elles mesurent. Prenez un candidat au baccalauréat passant l’épreuve d’histoire : il révise tous les chapitres et n’est finalement interrogé que sur deux d’entre eux. La note obtenue est censée refléter sa maîtrise du programme d’histoire. En réalité, elle n’informe que sur la maîtrise des sujets questionnés. Plus encore, cette note n’informe que sur la réussite aux questions. Posées différemment, les questions amèneront éventuellement à des réponses différentes. L’objectif porté par l’approche « Making Thinking Visible » est double : adapter la formation et les feedbacks aux caractéristiques individuelles (du côté du formateur), et connaître, comprendre le contenu de sa propre pensée et de celle des autres afin de s’engager dans des activités qui répondent à nos besoins (du côté de l’apprenant). Ces deux axes portent en eux deux fondamentaux de l’apprentissage: le feedback (retour sur mes actions) la métacognition (je sais ce que je sais, je sais ce que je ne sais pas). Le premier permet à l’apprenant d’avoir une vision de sa progression, et le second de prendre conscience de ce qu’il sait et ne sait pas, au-delà des tests.

Making Thinking Visible : une approche au service de l'apprentissage

Des outils au service de la construction et de l’expression de la pensée

Qu’ils soient digitaux ou non, les dispositifs au service de cette approche sont nombreux et diversifiés. Leur pertinence dépend à la fois de l’utilisation qui en est faite, et de leurs caractéristiques intrinsèques. Les outils digitaux, en ce sens, proposent une diversité de médiums propice à la construction et l’expression de la pensée, seul ou en collaboration, en présentiel ou à distance. Ils offrent un espace de stockage et de manipulation des informations venant enrichir l’expérience apprenant. Pour l’apprenant, cela signifie avoir la possibilité d’employer une diversité de modalités pour s’exprimer, échanger et collaborer, avec les pairs et le formateur : vidéo, son, texte, audio, mindmap… Pour le formateur, le grand intérêt et de pouvoir davantage cibler les besoins des apprenants dans le contenu comme dans les feedbacks. Ces outils modulent la dynamique unilatérale du lien apprenant-formateur, où le feedback apporté par le formateur sonne habituellement la fin du processus, en permettant des allers-retours entre les feedbacks et les propositions ou questions de l’apprenant, dès la phase de création. En ajustant son enseignement et ses feedbacks sur les particularités individuelles, le formateur se place dans ce qu’on appelle la Zone proximale de développement (Vygotsky, 1978), ou d’apprenabilité (Pienemann, 1984). Situé à la frontière des compétences, cet espace est le lieu de ce que l’on est en capacité d’apprendre si l’on est aidé. Il contient ce que l’on est en mesure d’acquérir. En plaçant son enseignement dans ce rayon, le formateur s’assure que l’apprenant peut potentiellement parvenir à l’acquisition des contenus de la formation.

Making Thinking Visible

L’engagement des apprenants au cœur de l’approche

L’approche « Making Thinking Visible » repose tant sur l’utilisation d’outils dédiés que sur l’engagement des apprenants dans cette dynamique. Il est donc essentiel qu’ils comprennent ce qui est attendu de leur part dans le processus, d’autant plus que la libre expression en libre modalité est un exercice que beaucoup découvrent. Bien qu’elle soit centrée apprenant, cette démarche s’appuie sur des outils qui la rendent possible. A l’IFCAM, nous encourageons le déploiement et l’expérimentation de ces dispositifs avec des outils comme Klaxoon ou Kahoot par exemple. Utilisés en mode collaboratif, ils participent à la construction d’une dynamique collective favorable au partage d’expérience, au débat, et à l’apprentissage social. C’est dans ce paradigme que s’inscrit la théorie socioconstructiviste. L’environnement social que constitue le groupe façonne la construction des connaissances, en rendant possible le conflit sociocognitif : la confrontation des points de vue génère une remise en cause des représentations mentales, et favorise l’émergence de connaissances nouvelles, actualisées ou modifiées. A ce titre, la classe inversée représente par exemple une modalité pédagogique favorisant l’émergence de cette dynamique de groupe. Après un temps de découverte du contenu à distance, le précieux temps de présentiel est réservé à des activités et ateliers de groupe offrant un espace propice aux interactions sociales de coopération et collaboration encourageant l’engagement et le rôle actif des apprenants.

Rendre visible la pensée des apprenants est un enjeu majeur pour détecter les besoins réels, cibler la formation et offrir une expérience de formation véritablement centrée sur l’apprenant, sa richesse et ses singularités.

Pierre Travaglini, Assistant chef de projet Expérience Apprenant

Références

Ferguson, R., Coughlan, T., Egelandsdal, K., Gaved, M., Herodotou, C., Hillaire, G., Jones, D., Jowers, I., Kukulska-Hulme, A., McAndrew, P., Misiejuk, K., Ness, I. J., Rienties, B., Scanlon, E., Sharples, M., Wasson, B., Weller, M. and Whitelock, D. (2019). Innovating Pedagogy 2019: Open University Innovation Report 7.

Pienemann, M. (1984). Psychological constraints on the teachability of language. Studies in Second Language Acquisition, 6, 186-214.

Vygotsky, L. S. (1978). Mind in Society: the Development of Higher Psychological Processes. Cambridge, MA: Harvard University Press.

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