Management, organisation et sens au travail : quelles évolutions ?

Quelles pistes face à l’essoufflement des modes de management et d’organisations traditionnels ?

Ah le management ! A l’origine du mot, un véritable manège qui tourne en rond. Une approche aujourd’hui remise en cause par des salariés en quête d’un nouveau sens.
L’Institut des Dirigeants du Groupe Crédit Agricole a souhaité en savoir plus sur les nouveaux modes de managements. Retour sur une journée riche en apprentissage !

Quel sens au travail ?

Le cabinet Deloitte a réalisé fin 2017 une enquête auprès d’un échantillon de salariés sur leur perception du sens au travail. Qu’apprend-on ?

Déjà que le sens au travail résulte principalement :

– de l’activité réelle quotidienne (29%)

– de la qualité de la coopération au sein de l’équipe (26%)

– et seulement ensuite de facteurs plus abstraits comme les valeurs de l’entreprise (26%)

Mais également que ce sens est largement construit par les individus eux-mêmes plutôt que dicté par le manager ou par la direction générale

Toujours à l’affut d’en savoir davantage, l’Institut des Dirigeants du Groupe Crédit agricole a souhaité pousser la réflexion sur la remise en cause des modèles de management. L’IFCAM a ainsi donné rendez-vous à une dizaine de Présidents et Directeurs généraux au MAIF Social Club, lieu fondé dans l’idée de repenser notre manière de vivre, de consommer et de partager. Expert, témoin d’entreprise, artiste et consultant ont défilé pour donner leurs points de vue sur le sujet.

Un constat unanimement reconnu par tous les intervenants : l’essoufflement des modes d’organisation et de management traditionnels, dont les symptômes et les risques, selon les cas, s’expriment sous forme d’érosion de l’engagement des collaborateurs, de stagnation des gains de productivité ou encore de désadaptation avec la mission stratégique.

Quelles pistes face à l’essoufflement des modes de management et d’organisations traditionnels ?

Rassurons-nous, plusieurs directions semblent émerger pour caractériser ce que devraient être les modèles de demain. Citons en 3 principales

– La décentralisation du pouvoir : ramener le pouvoir de décider au plus près de ceux qui agissent effectivement sur le terrain ;

– En contrepartie, le partage de l’information et de la vision : pour que l’autonomie nouvelle acquise par les membres de l’organisation ne se fasse pas au détriment de l’efficacité et de la cohésion d’ensemble, il faut que soient parfaitement partagées d’une part la compréhension des buts stratégiques à atteindre, d’autre part les informations tactiques permettant d’agir à bon escient ;

– Une pratique du leadership où l’autorité est toujours bien présente, mais nourrie par la confiance, l’écoute et l’exemplarité plus que par l’effet des grades et des titres.

Pour passer d’un modèle à l’autre, il faut :

– Agir en même temps sur les hommes et sur les structures : convaincre, former, motiver, récompenser les individus d’un côté, mais aussi, en parallèle, créer le contexte d’organisation, de procédure, d’outillage propre à faciliter les nouveaux comportements. L’un sans l’autre ne fonctionne pas.

– Préférer les petits pas aux grandes réformes, mais persévérer : la transformation suit un cycle où les premiers succès, obtenus au prix d’un fort investissement de départ, laissent généralement la place à une période de doute. Il faut alors savoir tenir le cap pour arriver au point où le nouveau modèle va se consolider.

L’exemple du leadership dans l’armée

L’organisation militaire est fondée sur un principe de commandement qui demeure très structurant ; pour autant, elle ne saurait s’abstraire des évolutions de la société ni ignorer les aspirations des jeunes recrues à plus d’autonomie et de liberté.

Elle concilie les deux en distinguant nettement :

– Le temps des opérations: au combat le commandement est très vertical ; l’efficacité et l’urgence priment ; les ordres ne souffrent aucune contestation

– Le temps de l’entraînement: avant et après les opérations, c’est un temps plus collégial, avec un mode de commandement plus participatif, des debriefings au cours desquels chacun est amené à donner son avis sur la manière de progresser ensemble. Le but ici est de devenir des « frères d’armes », de créer la cohésion qui rend possible le leadership vertical du temps des opérations.

Qu’est-ce qui fait que cela fonctionne ?

  • Un système de recrutement du haut commandement exclusivement par promotion interne, qui garantit la cohérence et la continuité des valeurs et des pratiques
  • Une définition très claire des rôles et responsabilités: chacun sait précisément ce qu’il doit faire, de qui il reçoit des ordres, à qui il en donne
  • Un sentiment d’équité et de juste reconnaissance des mérites, qui passe notamment par une échelle de rémunération assez courte (écart de 1 à 7 entre le soldat de base et le général le plus gradé) et des marques de reconnaissance systématiques (médailles, cérémonies, …)

Quels leviers d’actions pour les entreprises ?

Face à ces constats, les entreprises agissent sur deux tableaux :

– Les managers de proximité: détection et développement des potentiels de leadership, formations à l’agilité, la bienveillance, etc – mais tout ceci ne sert à rien si la structure d’ensemble demeure dysfonctionnelle

– L’organisation, avec deux tendances opposées : certaines entreprises misent sur le lâcher-prise et l’autonomie (cf. entreprise libérée), d’autres à l’inverse sur la réingénierie des processus (simplification, optimisation).

L’ ANACT (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) propose aux entreprises de jouer sur quatre leviers – qui peuvent se matérialiser différemment selon les contextes d’entreprise :

– Le sens: expliquer les buts poursuivis, permettre à chacun de s’approprier la finalité de ce qui lui est demandé

– Le soutien: veiller à ce que chacun ait les moyens de réaliser les tâches qui lui sont confiées, ces moyens pouvant être du temps, des compétences, l’accès aux informations utiles, etc

– L’organisation: faire en sorte que les interactions au sein du collectif de travail et avec le reste de l’entreprise soient fluides et fonctionnelles

– L’écoute, la participation et l’autonomie : ouvrir des espaces de parole pour que chacun se sente contributeur et non seulement exécutant, en veillant à avoir aussi bien des espaces individuels (1-to-1) que des espaces collectifs (équipe) ; ouvrir aussi des espaces d’autonomie, de prise d’initiative mais en veillant à les sécuriser (développer l’expérimentation, aménager les temps, lieux et descriptions de poste en conséquence, cultiver la polyvalence des tâches, donner l’exemple par le haut).

En conclusion, installer un babyfoot dans l’entreprise ne suffit pas à rendre les collaborateurs heureux, motivés et impliqués. Une démarche d’amélioration de la qualité de vie au travail passe d’abord par une remise en question profonde de l’organisation.

Guillaume PENICAUT, Chargé de mission pédagogique

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