Les bases psychologiques de l’AFEST, bénéfices pour l’apprenant et pour l’accompagnateur
Dans cet article, Camille Besson propose un focus sur la mise en situation de travail et la phase réflexive dans le cadre d’une AFEST. Elle nous présente les bénéfices de cette modalité pour l’apprenant et pour l’accompagnateur.
Le principe de l’AFEST
L’AFEST (Action de Formation En Situation de Travail) est une modalité de formation qui permet d’acquérir une compétence spécifique au sein d’une situation réelle de travail.
Elle s’organise entre un apprenant, un accompagnateur AFEST (expert sur la situation de travail), le manager de l’apprenant et un tiers facilitateur (ingénieur pédagogique ou responsable formation).
L’AFEST s’inscrit dans une approche constructiviste des apprentissages (travaux de Barrette, 2011) :
– L’apprenant est proactif. Il participe à une mise en situation en contexte réel
– L’accompagnateur est un guide. Il tend à favoriser l’indépendance, l’autonomie et la motivation de l’apprenant.
Le cœur de l’action de formation est itératif, il s’articule autour de deux phases, qu’il est possible de répéter autant que nécessaire :
– La mise en situation de travail
– La phase réflexive
La mise en situation de travail : utile pour tout le monde
Côté apprenant ;
Réaliser une action met en jeu la mémoire procédurale, est un type de mémoire implicite et à long terme qui regroupe l’acquisition, le stockage et le rappel des habiletés motrices, perceptives et perceptivo-motrices. Elle est associée aux savoir-faire.
C’est un type de mémoire qui se consolide suite à la répétition du geste dans le but de le rendre automatique et de plus en plus précis. Créer des automatismes dans le travail permet à l’individu d’allouer moins de ressources attentionnelles aux gestes pour en allouer davantage à son analyse et à ses ressentis. Chaque répétition d’une séquence motrice permet de renforcer le circuit neuronal associé au geste. S’imaginer réaliser le geste est également un moyen d’apprendre car ce sont les mêmes circuits neuronaux qui sont activés lorsque l’on réalise ou lorsque l’on s’imagine réaliser une action.
Aussi, l’apprentissage au sein même du contexte professionnel permet à l’apprenant d’être confronté à des objets présents sur le lieu de travail et à des interactions de son quotidien
Côté accompagnateur :
Cette étape permet à l’accompagnateur de développer ses capacités d’observation, de planification et de tester sa mémoire :
– Chercher dans la mémoire à long terme des procédures intériorisées et automatisées depuis longtemps
– Notifier les éléments notables de la situation afin de pouvoir les associer avec les réflexions de l’apprenant
– Utiliser sa mémoire de travail entre la phase de mise en situation et la phase réflexive
La phase réflexive : utile pour tout le monde
Côté apprenant :
Dans un premier temps, l’apprenant doit se remémorer la tâche qu’il vient d’effectuer et verbaliser ses actions. La verbalisation est un moyen de concrétiser une action, de la rendre consciente. Verbaliser permet de structurer sa pensée : hiérarchiser ses idées, choisir des mots qui caractérisent la situation, ses manières de faire, son ressenti et ses émotions. Cela permet à l’apprenant de conscientiser et d’ancrer l’apprentissage dans la mémoire.
La verbalisation permet également à l’apprenant de s’écouter parler : ses propos restent en mémoire de travail et quelques-uns passent en mémoire à long terme. Chaque répétition va favoriser le passage en mémoire à long terme d’un plus grand nombre d’informations.
Dans un second temps, le questionnement permet à l’apprenant de réfléchir sur ses actions et ses pensées. Il fait preuve de métacognition : les connaissances que nous avons sur nos propres connaissances et le contrôle que nous avons sur notre fonctionnement cognitif. La métacognition a plusieurs intérêts :
– Favoriser le transfert des connaissances
– Assurer plus de réussite dans la gestion des tâches
– Développer l’autonomie
– Développer la motivation et l’estime de soi
Côté accompagnateur :
Cette action de formation en situation de travail est également intéressante pour l’accompagnateur, son attitude est primordiale. Elle lui permet d’adopter et de travailler la posture de neutralité et de bienveillance nécessaire à toute situation d’apprentissage. Les erreurs sont importantes et sont acceptées. Il ne s’agit pas d’abandonner l’apprenant à lui-même, car sans feed-back, la mise en situation perd de son sens. Il ne s’agit pas pour autant de diriger l’apprenant, pour ne pas lui attribuer de faux ressentis et passer à côté d’erreurs de compréhension. Aussi, il est important que l’apprenant devienne autonome sur les tâches spécifiques.
L’attitude de l’accompagnateur s’inscrit dans le cadre plus large de l’environnement de travail. D’après Edmonson (1999), le climat de sécurité psychologique dans une équipe de travail représente la croyance partagée par les membres de l’équipe que celle-ci est suffisamment sécurisante pour prendre des risques. Ce climat repose sur la confiance et le respect. La sécurité psychologique favorise les apprentissages. Elle est associée à une moindre inquiétude par rapport aux autres membres du groupe que dans des situations d’apprentissage où l’erreur est redoutée.
Il est important de se souvenir que l’accompagnateur AFEST a des connaissances sur la situation de travail et a mis en place des automatismes. Il est donc plus coûteux pour l’apprenant de réaliser l’action que pour l’accompagnateur. Ce dernier doit toujours garder cela à l’esprit et ne pas minimiser la difficulté de la tâche (Astolfi, 2020). Les erreurs sont primordiales et inhérentes au processus d’apprentissage. L’accompagnateur a pour mission de guider l’apprenant dans la verbalisation et donc la prise de conscience de ses erreurs. Cette prise de recul demande un travail supplémentaire et une réorganisation des connaissances. C’est en régulant ses erreurs que l’on apprend et que l’on modifie ses représentations mentales pour supprimer des connexions ou en créer de nouvelles, c’est la définition même de l’apprentissage.
L’Action de Formation En Situation de Travail s’inscrit donc dans une dynamique proactive et de construction des apprentissages par l’apprenant lui-même :
– L’apprenant mesure les bénéfices de ses apprentissages, il est capable de mettre à profit ses apprentissages. L’expérience apprenant est utile.
– L’apprenant bénéficie des ressources nécessaires à l’acquisition de la compétence : il est accompagné directement sur le lieu de travail. L’expérience apprenant est engageante.
– L’apprenant vit une expérience qui se répète et qui laisse place à ses émotions : il n’est pas jugé et a droit à l’erreur. L’expérience apprenant est remarquable.
Camille Besson, alternante chargée de projet expérience apprenant
Bibliographie :
Astolfi, J.-P. (2020). L’erreur, un outil pour enseigner. ESF Sciences humaines.
Barrette, C. (2011). Un voyage au pays des TIC. Pédagogie collégiale, 4, 4, 4-9.
Dehaene, S. (2018). Apprendre ! Les talents du cerveau, le défi des machines. Odile Jacob, Paris.
Depover, C. & Marchand, L. (2002). E-learning et formation des adultes en contexte professionnel. De Boeck Supérieur.
Doly, A.-M. (2006). La métacognition : de sa définition par la psychologie à sa mise en œuvre à l’école. Apprendre et Comprendre. Place et rôle de la métacognition dans l’aide spécialisée, 84-124.
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00835076/document
Edmonson, A. (1999). Psychological Safety and Learning Behavior in Work Teams. Administrative Science Quarterly, 44, 2, 350-383.